I was born in morphina
Avec Sasha Beauregard ✘ « Mlle Beauregard je suis interne à l’hôpital Sainte Lucie, je dois vous informer que votre sœur Sasha Beauregard a été renversée par une voiture. Vous êtes la personne à contacter en cas d’urgence dans son dossier. » Le combiné lui m’échappe des mains tandis que l’infirmière crache ses mots, m’appelant vainement. Mes oreilles bourdonnent, une ruche royale s’est installée dans ma tête et la reine des abeilles prend un malin plaisir à m’inonder le cerveau de son bruit incessant. Le petit plafond de mon appartement tourne lentement, mon souffle prend une proportion inattendue. Je ne sais même plus respirer tant mon cœur s’affole et le sang me bats les tempes. Je vais perdre Sasha. Mon imagination turbine à fond, m’offrant des images plus sanglantes les unes que les autres de ma petite Sasha sur un brancard, la moitié du visage déchiré, des membres en moins, et tombée dans un coma éternel et sans retour. Mes petites mains me rattrapent à temps, alors que je vois le sol se rapprocher. L’infirmière s’époumone au téléphone. Mais je suis déconnectée du monde. J’ai lutté en vain. Je me suis tuée à petit feu pour finir avec … ça ? Les yeux rieurs de Sasha prennent place à deux gros orbites noirs et éteints. J’ai tout fait pour lui offrir une enfance des plus normales, prenant coup sur coup les accès de colère de mon père, séchant les cours qui me maintenaient un peu dans un rythme quotidien pour aller la chercher dans les bas fonds de la ville. Je la protégeais. Tout du moins c’est ce que je pensais. Mais en ayant quitté Montrose je l’ai abandonnée. Je me recroqueville sur moi-même, les sanglots étranglant ma voix qui murmure pour moi-même et les Dieux qui m’entendent. « Je l’ai abandonnée… Je l’ai abandonnée… Je l’ai abandonnée… »

Down by the riverside
Avec Aloïs Goodfellow ✘ La plante de mes pieds me tiraille sauvagement mais je lutte pour ne pas me plaindre. Je sais pertinemment qu’il vaut mieux pour moi que je reste silencieuse et obéissante, surtout en présence d’Aloïs. Il marche à quelques pas devant moi et je ne peux m’empêcher de l’observer, son souffle régulier qui rythme sa marche me guidant vers les hauteurs de la montagne. Le silence habite ces lieux et je ne peux m’empêcher de le savourer. Loin de la ville et de son ambiance lourde et pesante. J’ai finalement bien fait d’accepter cette randonnée nocturne. Soudain il s’arrête et je manque de lui rentrer dedans. Devant nous au milieu des pins un immense feu de joie brûle de tout son être, déversant sa lumière sur les visages de joyeux musiciens dont les guitares sèches résonnent dans le creux des montagnes, se répercutant dans les vallées. Je contemple le visage d’Aloïs, mes yeux suivant les jeux d’ombres et de lumières qui chavirent sur son visage tout aussi neutre et froid qu’à son habitude. Mais je le sens bien différent des moments où il me houspille au cabaret. Libre de toutes contraintes et de toutes rumeurs, il se libère. Un sourire s’esquisse sur mes lèvres tandis que je m’avance au milieu des joyeux lurons. Ce feu brûlant et chatoyant me fait me sentir chez moi. Il semble avoir été allumé pour moi, la danseuse du feu au Eat the Rabbit, la fervente croyante en Hestia. Mes yeux pétillent d’une joie nouvelle que je n’avais pas ressentit depuis bien longtemps. Aloïs ne me semble plus être le froid personnage qu’il était avant, j’ai l’impression de voir en lui un protecteur. Et cette soirée est un cadeau. Le son des guitares s’amplifie, les chants redoublent de vigueur, les mains claquent les unes contre les autres. Je me mêle au cercle, mes pas me guidant dans un rythme endiablés, mes cheveux cendrés tourbillonnent et se mêlent aux étincelles du brasier. Mon cœur se réchauffe, la glace qui l’enveloppait depuis des lustres fond légèrement, me prouvant que la vie est capable de nous offrir de belles choses. Mon corps ondule, mes bras s’étendent dans de gracieux mouvements. Mes yeux rient de nouveau, mais mon regard cherche mon précieux enchanteur. Aloïs est là debout, les bras croisés. Mes yeux s’accrochent aux siens, mon cœur tambourine au son des grattements de guitare. Il n’est plus mon bourreau, il est le véritable magicien qu’il prétend être. Peut-être un cadeau des Dieux, une épreuve sur ma route, une étape à franchir avant d’accéder à ce que je désire réellement. D’un léger signe de tête, je le remercie, avant d’être entraînée dans une ronde joviale autour du grand feu de joie.

Wanna marry you
Avec Ewan Anderson ✘ « J’vais me marier. » Mon cœur rate un battement. « P..Pardon ? » Je ne sais pas si mes yeux se sont écarquillés ou non, mais toute mon attention se porte sur Ewan. « Oui je suis tombé amoureux je l’aime et j’vais me marier. » Amoureux ? Aime ? Marier ? Ces trois mots se détachent distinctement et je sens la jalousie poindre à l’horizon. Au fond je ne sais pas réellement ce que je ressens pour cet homme, mais son comportement contrastaient tant avec celui de tous les autres. Il était ma porte de sortie, ma bouffée d’air frais. Et il me laisse tomber ? Je n’ai pas la prétention de dire qu’il avait une grande affection pour moi, mais au vu de ses avances j’avais pensé qu’il existait quelque chose entre nous. Mais non. Encore une fois mes rêves m’ont portée un peu trop haut. Je grimace légèrement et il n’est pas sans le remarquer. La jalousie grandit. Une autre fille a prit place dans son cœur et c’est pour elle qu’il m’abandonne à mon triste sort. Ou alors il a comprit la vanité de mon cas et sait que plus rien n’est possible pour m’aider, il préfère fuir ailleurs. Une multitude de films se dressent dans mon esprit et chacun accroit la douleur qui grandit en moi. Mes yeux s’emplissent de larmes, ma sensibilité maladive reprend le dessus. J’avais besoin d’Ewan et il me file entre les doigts. Je secoue doucement la tête incapable de répondre à ses mots. Je n’ai rien à lui dire, je ne peux ni le retenir, ni le laisser s’en aller comme ça. Je n’ai pourtant pas le droit de lui refuser son bonheur, je n’ai aucun droit sur lui et sur ses amours. Mais mon cœur vide lui réclame. Il a besoin d’affection et Ewan était le seul à m’en donner réellement.

You want a piece of me ?
Avec Capucine Poesy ✘
Chère Léonora,

Cela fait maintenant plusieurs mois que Héloïse a quitté Montrose. Je ne peux que t’avouer combien son départ m’a attristé et qu’encore aujourd’hui il m’arrive de me lever avec une boule dans le ventre en songeant que je ne la reverrais probablement jamais.

Tu as certainement dû comprendre que cette fille représentait pour moi quelque chose comme ce que le commun des gens appelle une meilleure amie. Néanmoins ce n’est pas n’importe quelle meilleure amie. C’est une fille pleine de courage, c’est indéniable, je n’aurais pas pu vivre le quart de ce qu’elle a vécu. Tu n’imagines pas combien sa douleur se lisait sur son visage chaque matin où elle arrivait au lycée. Mais toujours elle prenait avec soin les cours, restant une fille gentille et aimable. Je ne crois jamais l’avoir vu s’énerver contre quelqu’un. Un ange de bonté. Mais les apparences sont trompeuses et plusieurs fois je l’ai vu craquer et s’effondrer en larmes, cachée à l’abri dans les toilettes des filles. A chaque fois j’étais là, la soutenant au quotidien, la tirant de ses idées noires, cherchant à illuminer son visage d’un sourire pour l’éloigner de ses pensées morbides. C’est une battante cette gamine, même si aujourd’hui elle n’est certainement plus la fillette de treize ans que j’ai connu et qui se démerdait pour épargner sa sœur des violences de son père. Elle a tout fait pour Sasha, sa sœur. Elle l’a préservée comme elle pouvait de la réalité du monde. Mais à un moment elle ne pouvait plus. Fallait qu’elle vive un peu pour elle cette gamine. Ça je crois que c’est ce pourquoi elle a échoué. Vivre pour elle. Non, Héloïse elle vit trop pour les autres. Et principalement pour  sa famille. Mais la Sasha elle est tombée bien bas et pour la sortir du trou où elle s’enterre à petit feu il va lui falloir plus que du courage à ma douce Héloïse. Pourtant j’ai de l’espoir. Je te le dis c’est une battante, elle semble peut-être un peu naïve et rêveuse pour les autres, mais c’est un cœur cette fille. Elle a beau être partie je ne lui en veux pas, je sais qu’elle fait ça dans un but précis, elle est intelligente et elle s’en sortira. J’espère. Je vais pas te mentir, le monde est cruel aujourd’hui, et il et probable qu’elle se fasse bouffer plus d’une fois. C’est une timide et une sensible mon Héloïse…

J’ai peur de mouiller un peu plus ma lettre avec des larmes si je continue, alors je te l’envoie tel quel. Je te souhaite un bon rétablissement et je t’embrasse très fort. Donne-moi vite de tes nouvelles.

Capucine.